Contronatura - Schreie in der nacht

Un grand merci à Artus Films pour m’avoir fait découvrir ce film gothique troublant réalisé en 1969 par le prolifique Antonio Margheriti qui s’est très librement inspiré de la nouvelle Et pourtant on frappe à la porte -Eppure bussano alla porta- de Dino Buzzati.

Un groupe d’hommes d’affaires et compagnes prennent la route lors d’une nuit fortement pluvieuse. Enlisés en ras de campagne, ils trouvent refuge dans une demeure isolée. Accueillis par un homme et sa mère medium étrange, commence alors une nuit terrible de révélations et de vengeances. Ainsi, la vielle dame semble connaitre bien des secrets sur les arrivants, dont chacun d'eux cache des choses inavouables. Leur fils les convient à une séance de spiritisme pour parler un certain Richard et sa femme Diana morts assassinés dix ans plus tôt. Pendant ce temps, se joue dans une chambre un jeu de séduction forcé entre Vivian, ancienne maitresse de Diana, et Margaret qui se débat contre les désirs de Vivian, avant que les événements ne les précipitent dans un tumulte effroyable.

Un très étrange et superbe film dans une ambiance sombre qui allie tous les ingrédients du gothisme. Entre les décors d’une sombre, au spiritisme fantastique et d’horreur jusqu’au thriller et complots, auxquels se rajoutent un érotisme ouaté avec des amours lesbiens sadomasochistes. De nos jours, un tel titre racoleur voulu par les producteurs, Les unnaturals - Contrenature serait politiquement incorrect et taxé d'homophobie. Et de fait à sa sortie en Italie, la diffusion a été interdite aux moins de 18 ans, tant pour l’érotisme que pour les relations sadomasos lesbiennes. Le titre allemand Schreie in der nacht (cris dans la nuit) s’applique aussi bien sinon mieux au récit. Pour au temps, j’ai beaucoup aimé cette histoire à la Edgar Allan Poe hitchcockien, qui nous enferme dans un huis clos étouffant quand on devine qu’il va arriver forcément malheur sans connaitre les victimes ni les tenants et aboutissants. Les flashbacks qui relatent la terrible nuit dix ans plus tôt nous éclairent sur la tragédie du moment qui se jouent à plusieurs niveaux, et accentuent avec subtilité l’impression d’angoisse qui monte crescendo jusqu’au paroxysme jubilatoire final. Les relations amoureuses passionnées et sado-maso entre Diana et Vivian s’opposent à celles de Vivian et Margaret plus sadiques pour un aboutissement inattendu. Ainsi, tous les liens entre les différents protagonistes entremêlés dans des intérêts variés et contradictoires d’affaires financières comme d’histoires d’amour, de trahison et de vengeance. Une réalisation maitrisée de bout en bout, que ce soit par la caméra sur la mise en scène et la narration, du découpage à l’interprétation, qui donne une histoire diabolique à souhait dont on ne sort pas plus indemne que les protagonistes.

Avec Joachim Fuchsberger et l’envoutante Marianne Koch, autant que la délicieuse Helga Anders, Dominique Boschero et Claudio Camaso, Luciano Pigozzi et Marianne Leibl, ainsi que Giuliano Raffaelli, Marco Morelli et la très belle Gudrun Schmidt qui nous plongent avec délice dans l’angoisse et l’horreur.

Issu de la très belle collection Les chefs-d’œuvre du gothique avec un bel éventail de films du genre, dont les excellents Le manoir de la terreur et Le manoir maudit donne l’occasion de découvrir une période riche du cinéma européen digne aux effrois et sensations frissonnants délicieux, ainsi qu’aux réalisateurs et interprètes de talents.

Le film Contronatura d’Antonio Margheriti, distribué par Artus Films, est disponible dans les meilleurs bacs à partir du 3 mai 2016 en DVD. Il est proposé en version italienne sous-titrée français, ou en allemand sous-titré français. Dans les suppléments, Des cris dans la nuit est un passionnant entretien avec Alain Petit, qui nous apporte une fois n’est pas coutume nombre d’anecdotes et d’informations sur le film et le gothisme avec beaucoup de plaisir.