Goodbye Morocco

Très beau film de Nadir Moknèche, signant là son quatrième long métrage après Le harem de madame Ousmane, son excellentissime Viva Laldjérie et son superbe Délice Paloma. Un réalisateur que j’apprécie tout particulièrement pour ses réalisations et les sujets, souvent féministes, qu’il défend avec beaucoup d’intelligence et de courage. C’est encore le cas cette fois-ci, où sous couvert d’un thriller bien intriguant, il aborde différents sujets de société et d’Histoire, souvent laissés dans l’ombre tant par tabous et volontés politiques et religieuses contre les hypocrisies. Ainsi, sont abordés les questions diverses telles les droits des femmes et sa place dans la société professionnelle, amoureuse et les mariages mixtes, l’homosexualité, le racisme et l’immigration, ou encore le christianisme. Ainsi, sur un chantier immobilier, sont découvert des tombes chrétiennes dans une nécropole du 2^ème siècle AP JC. Une jeune femme arabo-marocaine, et chef de travaux au caractère indépendant bien trempé, voit là une opportunité de faire fructifier cette découverte archéologique avec une filière illégale de trafiques d’œuvres d’arts. En effet, divorcée et mère d’un enfant qui lui a été arraché par sa belle famille, car vivant librement au grand jour avec un étranger non musulman qui leur fait honte, car selon la charia (loi musulmane classique), autant un musulman a le droit d'épouser une non-musulmane, l'inverse est haram (interdit). Aussi, a-t-elle le projet de quitter son pays avec amant et enfant, grâce à la revente des reliques, dont une magnifique fresque tombale. Il faut se rappeler qu’avant l’invasion arabo-musulmane, et la conversion par le sabre et une politique génocidaire, les habitants d’Afrique du nord, les numides d’alors -aujourd’hui kabyles ou imazighen- ont été chrétiens mille ans durant. Survient alors un tragique accident, avec la mort sur le chantier d’un émigré nigérien, candidat au départ clandestin et homosexuel, tout aussi haram, dont l’enquête de police va poser de sérieux problèmes à bien de projets. La réalisation, par flashbacks, semble d’abord confuse, puis rapidement se met en place les différentes histoires qui se lient, ainsi que les diverses thématiques traités avec beaucoup de subtilité. L’ambiance de ce drame est intense du début à la fin, tragique souvent, et prenant jusqu’au bout. J’ai beaucoup aimé la galerie de portraits dont aucun ne laisse indifférent tant ils sont attachants.

J’ai toujours eu beaucoup d’affection pour Lubna Azabal (Coriolanus) qui est talentueuse et pleine de charme, et fait preuve de force et d’émotion dans un rôle fort. Il en est de même pour Radivoje Bukvic (Die hard : belle journée pour mourir) qui apporte sa tendresse, quant Faouzi Bensaïdi est excellentissime d’émotion, tout comme Grégory Gadebois (Pop redemption) parfait de subtilité. Le jeune Ralph Amoussou (Les petits princes) joue avec beaucoup de justesse, quant Abbes Zahmani (Ce que le jour doit à la nuit) est on ne peut mieux. La belle Anne Coesens est très convaincante également.