Superbe film de Masaki Kobayashi (Hara-Kiri : mort d'un samourai) composé de quatre histoires de fantômes, adaptées du recueil de Lafcadio Hearn inspiré du folklore traditionnel japonais. Le film de plus de 3 heures 30 ayant été jugé trop long, avait été raccourci lors de sa sortie en salle. Ainsi le second conte, La femme des neiges, fût supprimé, d’autres raccourcis. La réalisation de 1964 est absolument magnifique, tant par les couleurs vives aux contrastes violents, sur une mise en scène magnifique, mixant cinéma et théâtre traditionnel, sur des musiques envoutantes, m’ont enthousiasmé.
Les cheveux noirs : ce premier épisode, est une très belle histoire d’amour dramatique, qui m’a beaucoup touché. Un ronin ambitieux, décide de quitter sa bien aimée épouse, avec de magnifiques cheveux noirs de plus de deux mètres de long (la pauvre, quelle lourdeur à porter et à coiffer) et l’abandonne à la misère afin de trouver femme et fortune ailleurs. Ce qu’il trouve assez rapidement, mais aussi très vite, il se rend compte de sa lâcheté et de l’amour qui le hante jour et nuit pour celle qu’il a toujours aimé. Bien des années plus tard, libéré de son contrat avec son shogun, il revient chez lui afin de se faire pardonner de sa tendre et belle épouse, espérant qu’elle saura le pardonner telle Penelope… Le dénouement est d’une terrible beauté pleine de douleur et d’émotion, où le fantôme de son amour et de ses rêves prennent une réalité confuse mais pourtant bien réelle. Le final est le remake de la fin de Les contes de la lune vague après la pluie par Kenji Mizoguchi qui m’avait tant émut.
Rentaro Mikuni est excellent dans sa transformation entre l’égoïste et sa culpabilité repentante, quand la belle Michiyo Aratama éperdument amoureuse fait face avec beaucoup de dignité. De même pour Misako Watanabe douloureusement délaissée et blessée.
La Femme des neiges : est un très joli conte d’amour et de monstre. Dans un décor de neige, une ambiance de fantastique règne sans cesse. Perdu dans le blizzard, un jeune homme manque de finir tuer par une belle femme vampire qui tombe amoureuse de lui. Elle lui épargne la vie à la condition qu’il ne parle d’elle à personne. Plus tard, elle revient dans sa vie, se marie et devient mère de ses enfants. Le bonheur parfait pour ce couple, qui détonne tant elle n’a pas vieilli d’une ride, jusqu’à que ce qu’il se souvienne de cette nuit eneigée et lui raconte…
Tatsuya Nakadai joue à la perfection ce candide, face à la belle Keiko Kishi qui de sa beauté et de son charme arrive à faire craindre constamment le pire toujours avec cette émotion amoureuse. Yûko Mochizuki en mère attentionnée est sublime.
Hoïchi sans oreilles : dans cette troisième séquence, Masaki Kobayashi aborde La légende de Mimi-nashi-Hôichi, qui raconte la bataille de Dan-no-ura sous l'angle des vainqueurs, chanté comme traditionnellement voulu par un aveugle qui s'accompagne d’un biwa –instrument de musique à corde traditionnel japonais. Respectant le texte et la tradition, l’histoire nous narre un musicien aveugle qu’un fantôme samouraï vient chercher la nuit afin qu’il chante le Heike Monogatari –la bataille décisive des Taira sur les Minamoto- à toutes les âmes victimes de cette sanglante journée. C’est le clou de ce film, tant par la beauté des images, avec sa lenteur majestueuse sur le chant larmoyant qui envoute durablement. Entre l’histoire de l’aveugle, se mèlent la reconstitution de la bataille, illustrée en insère d’une célèbre peinture du XIIIème siècle. C’est beau, violent et émouvant. Une certaine dignité, crainte et humour règne dans cette trame.
Katsuo Nakamura est excellent de conviction, quant le terrible guerrier Tetsuro Tamba est impressionnant. De même que Yoichi Hayashi et Takashi Shimura (Le château de l'araignée), ou encore Kunie Tanaka.
Dans un bol de thé : pour le dernier, qui frise avec l’humour, j’ai été moins sensible par ce conte sans fin. Un samouraï quitte son poste pour aller étancher sa soif, est pris d’hallucination avec un apparition d’une âme maléfique que se reflète dans son thé, et reviendra dans le nuit le persécuter. Est-ce la fatigue après une telle durée, ou que le charme est rompu dans cette histoire qui perd en émotion et intérêt ?
Pourtant Kanemon Nakamura est parfait, de même que Osamu Takizawa jouant l'auteur pris par les tourments de ses écrits diaboliques.