Oui, je sais que je vais finir par vous lasser, ou que vous n’allez pas me croire, mais oui c’est encore par le même et son trésor magique, mais c’est ainsi… Donc, j’ai découvert cet Orson Welles que je vous mets au défit de l’avoir vu. Trois versions du même film sont sorties. J’ai vu la troisième, restaurée en 1998 et montée selon les souhaits de Welles. Un film magnifique de par sa réalisation avec une mise en scène génialement maitrisée, au noir et blanc contrasté, sur une histoire bien sombre et une pléiade d’interprètes de renom. Je modère cependant mes ardeurs, quant certains clichés frisent le malaise. Il est vrai que nous sommes en 1958…
Dans ce thriller, qui se déroule à la frontière américano-mexicaine, la collaboration entre les polices des deux états est de facto liée par un procès d’un caïd régional. Sauf que le racisme anti latinos est d’une extrême violence, notamment avec l’inspecteur Quinlan vis-à-vis de son homologue l’inspecteur Vargas. Qui plus est, celui-ci est en plein voyage de noce avec une belle américaine. Dès les premières minutes du film, un attentat à l’explosif va coûter la vie à un notable et sa maitresse, lançant une enquête qui va nous entrainer dans les indélicatesses d’un inspecteur aux méthodes très particulières. Violences, intimidations, menaces et fausses preuves seront du panel des moins recommandables, pour faire accuser un jeune mexicain et régler l’affaire en deux temps trois mouvements. Sauf que la femme de Vargas est à son tour menacée, puis enlevée et droguée afin de se débarrasser d’un mari qui en sait trop sur les méthodes de son confrère.
L’histoire, inspirée du roman Badge of evil de Whit Masterson, se suit sur un rythme effréné, dans une ambiance délétère, avec émotion et angoisse, mais aussi avec humour tant parfois certaines scènes sont limite comiques. Je pense que ce film a du bien choquer l’Amérique, de voir une belle blonde Wasp avec un « basané » de chicanos… mais en même temps, on ne sait plus trop ce que l’auteur à voulu transmettre en l’occurrence. En effet, d’avoir grimé autant qu’il n’a pu l'être à un point excessif un Charleton Heston et une Marlène Dietrich avec force de charbon sur la peau, il ne restait plus que l’étape du sénégalais. Sans compter la morale finale, où le flic pourri avait raison sur son intuition…
Reste que j’ai beaucoup aimé cette magistrale leçon de mise en scène, où chaque détail compte et qu’il faut s’y reprendre à plusieurs fois, notamment la première scène d’anthologie. La musique à son importance, comme les paysages et les décors. Et puis, il y a les dialogues qui font mouches, dont certaines phrases sont cultissimes. Bien observer aussi la mode, les voitures, les motels et le style de vie. Enfin, il y a un casting, dont les interprètes sont mystiques.
Ainsi, Charleton Heston, jeune et beau est époustouflant dans un rôle bien différent d’un Ben Hur ou dans La planète des singes. La trop belle Janet Leigh est magnifique de force et d’émotion. Et comment imaginer un instant que ce marshmallow informe et indigeste pouvait être ce génialissime Orson Welles ? Il est juste magistralement odieux au paroxysme de son art et de son talent. Ensuite, les Joseph Calleia et Akim Tamiroff, la magnifique Joanna Moore et Ray Collins et donc Marlène Dietrich (La maison des sept péchés) et Joseph Cotten sont tous à des degrés divers, talentueux et marquants.