Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir ce film issu du coffret sur le merveilleux cinéaste japonais Yasujirō Ozu, pour son dernier très sensible film, réalisé en 1962, sur un panel de 20 films retraçant son œuvre de 1931 et 1962, du muet au parlant, du noir et blanc à la couleur dont 10 restaurés en 2K et 4K.
Shuhei Hirayama, est un veuf d’un certain âge, qui se voit proposer par un ami proche de faire rencontrer un bon parti pour sa fille Michiko, âgée de 24 ans. Quand on sait qu’après les 25, les jeunes femmes ne sont quasiment plus bonnes à marier, c’est une offre bienveillante qui est proposée. Sur le moment, il semble le refuser, préférant la garder auprès de lui à s’occuper de la maison et de son autre fils. Pourtant, lors d’un dîner offert avec ses anciens camarades d’école à un ancien enseignant, il découvre le lourd fardeau qui pèse sur les épaules de cet homme, qui se laisse aller à des confidences après une quantité importante de saké. Celui-ci, veuf, a gardé sa fille auprès de lui par égoïsme et lui a gâché la vie devenue une vieille fille. Prenant conscience de ce qu’il est lui-même en train d'en prendre ce chemin, il tente d’éviter la catastrophe. N’est-ce pas trop tard ?
Le titre de cette magnifique histoire, Le goût du poisson d'automne, ou plus exactement Le goût du cololabis saira, poisson très apprécié au Japon, est consommé sans modération en automne. Il y a là une raisonnante avec l’arrivée de l’hiver et de la vieillesse, celle de cet homme qui sent venir la solitude, une fois les enfants partis. Ce film, le dernier du réalisateur qui mourut quelques mois après la sortie de son film, est une sorte de testament qu’il nous laissait à bon escient. Film magnifique dans lequel transparaissent une très grande humanité et un sens du respect est plein de poésie et de tendresse, d’émotion et d’humour.

La poésie plane et enivre tout du long, par les protagonistes et l’atmosphère doucereuse qui traîne languissamment autant dans les regards que dans les dialogues. La tendresse va de paire avec la bienveillance du cadrage qui nous mène dans les intérieurs et les discutions comme dans dans l’intimité des réflexions. L’émotion est constamment présente, avec espoirs et craintes, comme dans les traits d’humour que ce soit avec les dérapages que l’alcool occasionne dans les comportements et le propos, comme avec ces réflexions sur ce qui serait advenu si le Japon avait gagné la guerre. Avec ces portraits, dont ceux des femmes qui ont de sacrés caractère et tempéraments bien trempés, mais qui toute modernes qu’elles soient se soumettent malgré tout à la puissante mentalité traditionnelle en ce début des années soixante.

J’ai adoré le message qui s’impose avec une douce évidence, avec ces couleurs quasi pastelles et ces champs de caméra où la violence des émotions reste sous jacent dans le moindre sourire souvent désolé. Une vision du machisme de la société japonaise pour un message féministe sur le sort des femmes, dévolues au père, au mari, aux fils, sacrifiées aux autres, avec une date de péremption de 25 ans de mise sur le "marché", encore d'actualité de nos jours dans les mentalités.

Avec les excellents Chishū Ryū (Barberousse) et la très belle Shima Iwashita (Hara-Kiri : mort d'un samourai), Keiji Sada (Carmen revient au pays), la très belle Mariko Okada (Tampopo), Teruo Yoshida et Noriko Maki, Shin'ichirô Mikami et Nobuo Nakamura (Entre le ciel en l’enfer), Eijirô Tono (Les sept samouraïs) et Kuniko Miyake (Voyage à Tokyo), Kyôko Kishida et Michiyo Kan, Daisuke Katô (Le garde du corps) et Haruko Sugimura (Kwaidan).
J’ai vécu mais…
Un documentaire passionnant sur la vie et l’œuvre du réalisateur à travers des entretiens avec le maître, mais aussi ceux qui l’ont approchés et aimés, ses amis, collègues et interprètes. Un décryptage de son œuvre à travers sa vie, qui nous aide à mieux saisir son univers et ses messages, ses conflits face à son époque et ses ressentis remarquablement retranscrit dans son œuvre.
Voyage dans le cinéma : « le goût du saké ».
Un documentaire dans lequel la jolie Tomoka Shibayama, nous invite à visiter les studios Chochiku d’Ofuna dans lesquels ont été tournés de nombreux films dont ceux d’Ozu. Une passionnante plongée dans les entrailles des œuvres sacrées du septième art japonnais.

Ce film est issu du très beau coffret Ozu en 20 films – Pack qui comprend notamment Le fils unique, Printemps tardif, Été précoce, Crépuscule à Tokyo, Le goût du riz au thé vert, Voyage à Tokyo, Printemps précoce, Fleurs d'équinoxe, Bonjour, Fin d'automne et Le goût du saké.
Le film Le goût du saké du pack Ozu en 20 films, distribué par Carlotta, est disponible dans les meilleurs bacs depuis le 6 novembre 2019 en DVD et Blu-ray. Il est proposé en version originale sous-titrée français. Dans les suppléments, J’ai vécu mais…dans le cinéma : « le goût du saké ».
