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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 10:06

Un grand merci à Wild side vidéo pour m’avoir fait découvrir ce magnifique film d’Akira Kurosawa, réalisé en 1948 sur un thème sociétal plein d’intense émotion dans une sorte de poésie radioactive au son d’une musique envoutante qui hante longtemps.

Un vieil homme de 75 ans, riche industriel, est traumatisé par cette course insane et sans fin à l’armement nucléaire et les essais aux répercutions apocalyptiques dues aux retombées radioactives mortelles. Il ne pense plus qu’à mettre sa famille à l’abri. Virant à l’obsession aigue, il met en danger l’équilibre familiale, sa femme et ses enfants, maitresse et ex maitresses et les enfants adultérins, par son désir de les emmener tous au Brésil. La folie affleure sans cesse, et une mise sous tutelle est demandée pas ses enfants.

Ou Chronique d'un être vivant. Avec cet admirable film, Akira Kurosawa abordait un thème au cœur de la conscience collective japonaise, et que pourtant les japonais ne voulaient pas en entendre parler. Dix ans après les bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki, la course frénétique à la mise au point de bombes toujours plus puissantes passaient par des essais, dont celui des américains sur l'atoll de Bikini le 1er mars 1953. Un navire de pêche japonais qui frayait au large, le Fukuryu Maru n°5 fut touché par des retombées radioactives et les 23 pêcheurs seront contaminés. Ainsi, Fumio Hayasaka, ami proche du réalisateur, compositeur et musicien dans ses nombreux films, lui fit part de ses frayeurs et donna ainsi le thème central de cette histoire.

La qualité narrative est excellente, avec une montée en puissance de l’angoisse et la pression familiale pour tenter de désamorcer une situation sans issue. Balloter d’un camp à l’autre, avec les arguments des uns et des autres, c’est tout un débat sur la menace nucléaire bien sûr, mais aussi sur les manières de faire face et de vivre avec le danger, qui est encore et toujours plus d’actualité avec la catastrophe de Fukushima. Le film fût un échec à sa sortie, tant le public n’était pas prêt à aborder ce sujet traumatisant. Pourtant, la réalisation est magnifique, avec une mise en scène excellente et des images marquantes.

Un casting encore de choix, avec Toshirô Mifune (Les sept samouraïs) alors âgé de 35 ans est méconnaissable en papy de 75 ans, dans les grimages que dans l’allure et les expressions, et toujours ce regard puissant et cette force dans son jeu. De même Takashi Shimura (Kwaidan) est excellemment marquant, ainsi que Minoru Chiaki (Le château de l’araignée). Et puis, Eiko Miyoshi (La forteresse cachée), comme la jolie Kyôko Aoyama, Haruko Togo (Dernier caprice) et Noriko Sengoku (L’ange ivre), Akemi Negishi (Barberousse) et Hiroshi Tachikawa (Entre le ciel en l’enfer) qui font autant impression que Kichijiro Ueda (Les contes de la lune vague après la pluie) et Eijirō Tōno (Voyage à Tokyo), Yutaka Sada (Le garde du corps) et Kamatari Fujiwara (Les sept samouraïs), Ken Mitsuda (Les salauds dorment en paix) et encore Masao Shimizu (Sanjuro).

Le film Vivre dans la peur d’Akira Kurosawa, distribué par Wild side vidéo, est disponible dans les meilleurs bacs depuis le 27 avril 2016 en bluray et DVD. Il est proposé en version originale japonaise sous-titré français. Dans les suppléments, un entretien avec Teruyo Nogami qui fut la script de Kurosawa dont le témoignage est riche d’informations et d’anecdotes et ceux de Fumio Hayasaka et de Kenji Mizoguchi. Un documentaire raconte la genèse du film, suivi d’une analyse du film très intéressante par Fabrice Arduini. Le coffret est accompagné d’un beau livret de cinquante pages rédigé par Charles Tesson, critique et historien du cinéma.

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