Souvent, les films marins et plus encore les biopic des explorateurs sont lents et peu passionnants. Reinout Oerlemans arrive avec subtilité le pari de raconter une terrible histoire avec une densité intrigante et à nous plonger au cœur de l’aventure. Il s’est inspiré des carnets de notes de Gerrit de Veer sur la dernière expédition en 1597 de Willem Barents.
Alors libéré de l’occupation espagnole, les Pays Bas cherchent de nouvelles routes maritimes pour se rendre aux Indes comme l’avait fait un siècle plus tôt Christophe Colomb qui trouva les Amériques. Pour ne pas croiser le Portugal tombé entre les mains espagnole, Barents tente la route du nord de la Russie. Le jeune Gerrit de Veer, peu fortuné est éperdument amoureux de Catharina Plancius, fille du riche Petrus Plancius, célèbre prédicateur polémiste, mais surtout astronome, cartographe et géographe, et président de sociétés commerciales. Gerrit réussit à se faire engager sur le navire de Barents en espérant revenir auréolé de succès et de fortune pour épouser sa belle qui lui a promis de l’attendre. L’expédiation file sur les flots vers un destin tragique.
J’ai beaucoup aimé le ton imprimé sur une histoire qui sans grands éclats ou actions, arrive à nous captiver par de menus détails qui prennent leur importance dans la reconstitution d’une époque, des moeurs sociales et maritimes. La vie à bord ne devait pas être particulièrement sympa, tant dans les activités, les aléas de la mer et des vents, et les relations entre marins confinés dans un espace clos entouré d’étendues immenses propices à la claustrophobie et la violence insane. Loin de s’ennuyer, l’angoisse du danger qu’apporte le froid glacial, de la glace qui enserre le navire, et tient prisonniers les marins menacés par les prédateurs, par la faim et la maladie, et cette longue période de nuit permanente. Sans oublier la bêtise d’analphabètes qui mettent en danger les écrits de Gerrit. Et puis bien sûr cette belle histoire d’amour que l’on voudrait voir se réaliser. De fait, j’ai accroché à cette passionnante description dans un cadre peu chaleureux, de gris, de froid et de si peu de vie, véritable porte vers l’enfer blanc. Très belle réalisation dans un décor cauchemardesque, qui été le premier film hollandais réalisé en 3D.
Après deux tentatives pour trouver le passage par le nord et un essai infructueux par la côte asiatique, Barents refit une troisième tentative où son navire fut emprisonné par les glaces. Obligé d’attendre le printemps sur l’ile de la Nouvelle-Zemble, ils s’en sortirent pratiquement tous, sauf Barents trop épuisé et malade qui mourut le 20 juin 1597. On donnera son nom au détroit tristement célèbre avec les essais nucléaires soviétiques et les déchets radioactifs dans la mer. Quand à Gerrit de Veer, fils de notaire, est un jeune officier qui tiendra le journal des expéditions de Barents, et sera la première personne à observer et à révéler l'effet Novaya Zemlya -phénomène étrange provoqué par le soleil visible après son coucher très en dessous de la ligne d’horizon, donnant un mirage polaire- mais également le premier a découvrir les effets de l'hypervitaminose provoquée par la consommation de foie des ours polaire. Après avoir fait publier ses journaux de voyages, il ne fit plus entendre parler de lui.
Robert de Hoog est très marquant, face au poignant Derek de Lint (Insensibles) excellent. La très belle Doutzen Kroes est émouvante à souhait, quand Semmy Schilt est puissant, et Jan Decleir (La grande croisade) est impressionnant, ainsi qu’Arend Brandligt et Victor Reinier, Teun Kuilboer et Bas Keijzer.