Nous sommes loin ici de l’ambiance du premier film de Nagisa Ōshima avec Une ville d'amour et d'espoir, bien qu’on y trouvait déjà de sa part une certaine fascination pour le petit truand. Ce film qui trouve son importance dans l’histoire du cinéma japonais des années soixante, avec l’utilisation de la caméra portée en extérieur, qui sera ainsi considéré comme l'un des premiers films de la Nouvelle vague japonaise.
Deux jeunes filles font du stop de manière inconséquente, en faisant mine de séduire le chauffeur pour qu’il les ramène chez elles lors de sorties. Quand un soir après que son amie fut déposée, Makoto se retrouve seule avec le conducteur, elle manque de se faire violement agresser et est sauvée de justesse par Kiyoshi. Ce jeune étudiant, violent et voleur raccompagne la jeune fille. Cette petite frappe, désire la revoir par la suite pour obtenir récompense, et finira par la violer. Etonnement, elle en tombe amoureuse, et s’ensuit alors une descente aux enfers assez cruelle, sans que l’on en comprenne les événements assez simplistes.
Déjà, j’ai du mal à comprendre que l’on tombe sous le charme de son agresseur, mais quand en plus on nous la fait à la psychologie de comptoir avec le coup de la mère décédée, du père démissionnaire, de la sœur rigoureuse, pour nous tirer un profil de la fille fragile et vite soumise -quasi consentante qui en redemande- du mauvais-gentil garçon, j’ai beaucoup de mal à y croire une seconde- surtout que vol, viols, agressions, prison et prostitution seront le cocktail d’une trame qui m’a mis mal à l’aise. Le regard de la caméra qui semble prendre plaisir complice, participe à la déchéance, et faire une sorte de héro des temps modernes ces malfrats répugnants. Certes, il faut être assez conne pour accepter et redemander de la maltraitance à ce point, ou se haïr jusqu’à sa propre destruction, mais à ce point dans cette histoire, que finalement rien ne justifie ou explique ? Je devine, où crois deviner y déceler un parallèle du Japon sous occupation américaine, lors de cette période revendicative des étudiants d’alors.
Avec ce premier volet de la trilogie de la jeunesse, auquel suivront L'enterrement du soleil et Nuit et brouillard du Japon, nous embarquons donc dans une série d’histoires sombres et sordides d’une certaine jeunesse qui en réalité s’accommode de toutes les situations les plus glauques. A la différence de son premier film, le ton, le rythme et l’ambiance change du tout au tout. La couleur en premier lieu s’impose assez criarde, et le rythme est plus speed et haché. Les relations aussi sont plus agressives et violentes. Une colère nerveuse s’imprègne dans un malaise palpable, sans que l’on sache pourquoi, ni vraiment contre qui. L’histoire se passe donc dans un contexte politique agité au Japon, avec les mouvements étudiants, l’assassinat du leader socialiste qui sera le prétexte du gouvernement de l’époque à une radicalisation politique, mais pas moins de corruption. De fait, ayant un peu de mal avec ce genre d’histoire et d'un certain regard, je ne suis pas senti en phase. Je reconnais cependant l’efficacité de la réalisation et d’une mise en scène sobre et dépouillée, trop peut-être, jusqu’au dialogue dépourvu de sentiment et d’une angoissante froideur.
Les interprètes de fait, collent à la peau de leur personnage avec un sens du réalisme poussé. Ainsi, la jolie Miyuki Kuwano (Barberousse) se donne sans compter avec talent jusqu’à déranger. Yûsuke Kawazu, est bien dingue à souhait. Ensuite, les Yoshiko Kuga (L’ange ivre) et Fumio Watanabe, comme Shinji Tanaka et Yosuke Hayashi, Shinjiro Matsuzaki et Toshiko Kobayashi (Carmen revient au pays, devenue la femme du réalisateur) ou encore Hiroshi Nihon'yanagi et Yuki Tominaga, complètent l’ambiance bien sombre.