Sous forme de western, Hiner Saleem (Si tu meurs je te tue) nous narre l’après indépendance du Kurdistan anciennement irakien avec un regard entre comédie et dramatique de l’absurde, et des difficultés d’une liberté retrouvée après tant de siècles d’occupation entre archaïsme et modernité sur la route qui s’annonce rude et pavée d’embûches vers une normalité.
Baran, héro de guerre d’indépendance quitte l’armée après la première condamnation à mort de cette jeune république, pour devenir un « sheriff » au fin fond du pays, dans un coin perdu à la frontière du Kurdistan sous occupation Turque. Il fuit les déceptions politiques et une mère possessive qui veut absolument le marier. Au même moment, Govend, une jeune institutrice retourne dans ce village pour s’occuper de l’école. Les représentants de la République ne sont pas spécialement les bienvenues par le maître des lieux. Un chef de clan, mafieux, collabo du mieux payant, et plus facilement traitre à son pays. Baran et Govend vont avoir maille à partir avec cette pègre qui menace sans cesse leurs efforts et leurs vies.
L’introduction pitoyable de cette mise à mort par pendaison donne le ton ironique d’une situation confuse d’un pays qui se recherche et se construit écartelé entre des traditions culturelles et religieuses, et un désir de modernité. Une symbolique forte qui souhaite tordre le coup au passé, pour un futur fort qui passe par un présent crucial. Tant de siècles d’occupations et de guerres ne vont pas s’effacer du jour au lendemain, tant de pressions sociales et spirituelles ancrées dans l'inconscient collectif quotidien qui freine lourdement, et dont les deux exemples, éducation et lois pour tous, illustrent parfaitement un constat d’une société en évolution. Les protagonistes sont attachants, aux profils intéressants qui nous rappellent nos hussards noirs.
A la Sergio Leone, la réalisation est excellente, entre loufoque et drame, romance et thriller, permettant d’aborder sereinement nombre de thèmes de société fondamentaux. J’ai aimé le ton résolument positif, qui donne l’espoir d’un monde nouveau et peut-être meilleur. Mis à part les interprètes principaux qui sont des professionnels, le reste du casting est composé d’amateurs dont de vraies combattantes, en leur espérant bonne continuation, qui apportent un réalisme qui s’impose dans une telle trame. Les paysages, bien qu’arides, sont somptueux donnant un décor indéterminé et intemporel.
La belle Golshifteh Farahani (Syngué Sabour) est émouvante, drôle aussi, Korkmaz Arslan, est excellent et marquant, de même Suat Usta et Mir Murad Bedirxan, comme Feyyaz Duman, Tarik Akreyî et Véronique Wüthrich.