Elia Kazan (Le fleuve sauvage) s’est inspiré d’une histoire vraie pour réaliser cette dramatique sous une forme docu-fiction, d’après le livre de Fulton Oursler, véritable reconstitution point par point de l’affaire Hubert Dahme et des nombreux disfonctionnements qui avait défrayée les chroniques judiciaires des années vingt, comme lors de la sortie du film en 1947.
L’histoire nous conte un crime ayant eu lieu un soir tard dans une petite ville, avec l’assassinat à bout portant d’un pasteur. Quelques témoins ont vu ou aperçut un homme s’enfuir. La police arrête plusieurs jours plus tard un homme correspondant au signalement, certes bien vague. Une arme sur lui, et après un interrogatoire musclé, ils obtiennent des aveux. Le procès peut commencer, avec une condamnation à mort à la clé. Sauf que son avocat émet un doute. Et si le suspect était innocent ? Les pressions policières, politiques et populaires seront très fortes pour l’obliger à engager la culpabilité de son client.
La véritable histoire s’est déroulée en 1924 dans la ville de Bridgeport, dans le Connecticut. Le père Hubert Dahme a été abattu d’un coup de fusil à bout portant derrière l'oreille gauche. Un vagabond et ancien soldat, Harold Israël, a été inculpé pour l'assassinat. Il a fait des aveux, possesseur d’un revolver calibre .32 que la police croit avoir été utilisé dans le meurtre. Homer Stille Cummings a mené une enquête approfondie et prouvé l’innocence de l’accusé. L'affaire n'a jamais été résolue. Mieux, en 1954, un résident de Bridgeport qui avait assisté à la scène, a déclaré avoir été menacé de mort s'il parlait, et déclaré qu'Israël n'était pas le tueur.
Je ne suis pas fan des films à procès que les américains affectionnent tant. Souvent rébarbatifs, ils m’ont parfois péniblement fatigué malgré des thèmes importants. Ce n’est pas le cas ici, où la réalisation fluide et aérée, nous entraine de manière circonstancier dans chaque phase de l’enquête pour apporter toutes les preuves qui innocentent l’accusé, avec un recul intelligent. J’ai beaucoup aimé la mise en scène, dans une ambiance lourde et sombre, où les intérêts des politiques passent au dessus de la culpabilité ou non de l’accusé, des policiers qui veulent garder la tête haute, et des témoins qui ont des raisons, souvent mauvaises de maintenir leurs témoignages à charges. L’angoisse est pesante, quand au sort du prisonnier qui joue sa vie, avec une apparence peu affable. Ça me rappel entre autres des injustices comme sur Patrick Dils et ses 15 années de prison pour rien, ou du jeune Christian Ranucci exécuté quand il pouvait être gracié mais que les sondages de popularité du Président Giscard était au plus bas.
Le jeu des interprètes est d’excellente qualité, avec Dana Andrews très convaincant, et la jolie Jane Wyatt (Horizons perdus) face à Lee J. Cobb et Cara Williams. L’excellent Arthur Kennedy, comme Sam Levene et Taylor Holmes, Robert Keith et Ed Begley, Philip Coolidge et Karl Malden (La cible humaine) qui impriment de leur talent la démonstration magistrale.