Un très grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir ce superbe western réalisé en 1954 par Robert Aldrich (En quatrième vitesse), d’après le roman de Paul Wellman, qui abordait le western avec un regard nouveau sur l’histoire du far west, en allant plus loin que deux de ses prédécesseurs en la matière, avec une vision plus incisive qui démythifiait la conquête de l'Ouest jusque-là porté en référence de civilisation.

A la reddition de Geronimo, les guerriers apaches sont déportés de leurs territoires de l’ouest dans des camps de concentrations vers l’est à des milliers de kilomètres de chez eux, pendant que femmes, enfants et vieillards restent sur place parqués dans des réserves indiennes. Masaï, un jeune guerrier fougueux qui refuse de perdre sa liberté, s’enfuit et revient auprès des siens. Sur le chemin, traversant des villes immenses, il prend conscience de l’ampleur de l’imposante présence des blancs. Quand en pleine campagne, il fait connaissance avec une famille cherokee, acculturée et sédentarisée à la culture du maïs. Lorsqu’il arrive dans sa tribu et retrouve sa belle Nalinle, il propose la culture et la paix. Mais trahi par le père aviné de sa fiancée, il est de nouveau arrêté et poursuivi par Hondo, un traitre pisteur collabo pour l’armée qui convoite la jeune femme, et trouve dans sa haine l’occasion de s’échapper. Sa fiancée le suivra quoiqu’il advienne dans sa course folle à la résistance et à la liberté.

Avec ce film, Aldrich est le troisième réalisateur à aborder le western du point de vue des amérindiens, où les colons et soldats ne sont plus les gentils héros, et les peaux rouges de méchants sauvages. Avant lui, Delmer Daves avec son film La Fleche brisée en 1950, et Anthony Mann avec La Porte du diable ouvraient la voie vers la réhabilitation de la véritable Histoire du pays. L’histoire de Massaï et de sa compagne Natastale, est inspirée de la réalité, qui avait été racontée par un scout indien au célèbre grand peintre de l’Ouest Frederic Remington, qu’il a relaté et illustré dans Massai's crooked trail en 1898.

Le film serait très naturaliste, avec une vision presque froide mais lucide malgré les couleurs vives, sur une réalité loin d’être idyllique. Ainsi, après une paix contrainte, le sort des peuples est condamné en internement dans des camps, qui signe la mort par maladies, malnutritions, et un désespoir sans fin. La mise en scène est superbe, sans cesse en mouvement, telle une fuite en avant éperdue contre la mort qui court aussi vite sans perdre haleine. J’ai été pris par le rythme effréné, par cet amour qui s’accroche vaille que vaille, et cet espoir permanent auquel on voudrait croire. Il y a un hymne à la vie et à l’amour que rien semble pouvoir détruire. De superbes scènes d’émotion, comme la seule tendresse que l’on voit lorsque Massaï enserre sa femme enceinte.

Beaucoup de sentiments fiévreux dans les regards qui expriment tellement. Terrible et puissance cette scène où la jeune femme, bien qu’assommée continue de suivre son amour, pieds et mains ensanglantés par ma marche dans la rocaille. La fin n’est pas celle voulue par le metteur en scène, qui devait être beaucoup plus sombre, trop pour les producteurs, même si celle que voulait Aldrich était hélas plus logique, mais celle finalement adoptée l’est tout autant de signification symbolique de la défaite définitive.
Burt Lancaster (Coup double) est juste phénoménale de puissance et de conviction, de même la belle Jean Peters qui crève littéralement l’écran par cette passion qui l’anime. John McIntire (Le gentilhomme de la Louisiane) est excellent, comme Charles Bronson est terrible. C’est tout autant le cas de John Dehner puissant comme Ian MacDonald (Montana) et Walter Sande, Morris Ankrum (Quatre étranges cavaliers) et Monte Blue.
Le film de la collection Films noirs, distribué par Sidonis Calysta et sa page Facebook, est disponible en DVD image et son restaurés dans les meilleurs bacs depuis le 23 janvier 2018. Il est proposé en version originale anglaise sous-titrée français, et audio français. Dans les suppléments, Burt Lancaster , un doux parfum de succès, la présentation du film par Patrick Brion et par Bertrand Tavernier.
