Très beau et dernier film réalisé par Kenji Mizoguchi (Les femmes de la nuit), qui nous plonge en plein cœur de la prostitution, comme souvent à son habitude dans son œuvre dont sa vie l’en a imprégné avec une vision paternelle, alors que le parlement japonais débâtait une nouvelle fois sur un vote de loi sur l'éternelle interdiction de la profession honnie.
Dans Yoshiwara, quartier chaud des plaisirs à Tokyo, des prostituées de la maison de monsieur Taya, patron très paternaliste, mènent leur vie selon des parcours et objectifs divers en variés, pendant que les débats parlementaire tentent de les interdire de professer. Ainsi, nous suivons le destin de la belle et farouche Mickey, pourtant issue d’une famille riche qui se perd pour oublier un chagrin d'amour et déshonneur avec un Gi's américain, quand ses camarades vendent leur corps sous d'autres contraintes sociales. Ainsi la très belle et jeune Yasumi tente de réunir la somme nécessaire pour sortir son père de prison, alors qu'Hanae n'a d'autre solution pour payer les médicaments pour son mari malade et pour nourrir son bébé. Il ya encore Yumeko qui s’adonne pour offrir des études à son fils dans une grande école privée a son insu, ou Yori qui veut se constituer son trousseau pour se marier. Sans oublier la très -trop- jeune Shizuko, plus ou moins forcée malgré son âge, sa timidité et sa répulsion.
L'univers qui nous est décrit dans cette rue de 1959 est quelque peut terrifiant sur les belles hypocrisies des hommes et de la société sur un sujet aussi sensible et délicat vieux comme le monde. Encore que l'on nous montre pas le pire de l'horreur de celles qui enlevées, violées et torturées comme c'est souvent le cas. Ces femmes, avec leurs motivations, leurs désirs et rêves, mais surtout leur désillusions et les nombreux écueils, et leurs instincts de survis, sont tristement attachantes. Abondamment utilisées par nombre de clients, elles sont rejetées comme des pestiférées, bloquées dans un système tant par la société que par les gains qu’elles dégagent plus facilement au détriment de leur santé. Mickey, est le personnage central le plus emblématique qui donne le ton de son vécu avec une lucidité froide sur leurs conditions. Les extrêmes se côtoient avec une solidarité qui n’est qu’un refuge face à l’adversité. Ainsi, pas la moindre pitié pour la gamine qui prend leur chemin, de même la cupidité sans borne de celle qui tente de s’en sortir à tout prix et devient la patronne de sa boutique. Vies contrastées qui m’ont bouleversé par les comportements de chacune, par l’ambiance de cette maison d’où elles peuvent semble t-il partir quand elles veulent mais retenues par le fil invisible de leur situation, des dettes et diverses raisons qui les retiennent prisonnières sans grand échappatoire.
La réalisation est presque théâtrale voir carcérale dans cette rue et dans les murs de cette maison de passes qui jamais ne sombre dans le glauque apparent. Mise en scène fluide, ambiance doucereuse d’où transparait une certaine poésie, et des protagonistes attachants. J’ai beaucoup aimé, tout en étant partagé tant sur le sort et la vie de ces femmes, mais aussi avec un recul et une distanciation d’une certaine irréalité par rapport à un quotidien que le réalisateur nous à montré plus terrible. Certes , en l’occurrence, il s’agit plus du rapport entre ce patron qui se porte sans cesse le garant protecteur face aux politiques et à la société qui nous est dépeint. Un remake fut réalisé en 1974 par Tatsumi Kumashiro, Rue de la joie (Akasen tamanoi: Nukeraremasu), avec Junko Miyashita, Meika Seri et Naomi Oka.
Beau et convaincant casting, avec l’extraordinaire Machiko Kyô (Les contes de la lune vague après la pluie) bouleversante derrière son allure froide, tout autant de Michiyo Kogure (Le gout du riz au thé vert), Ayako Wakao (Herbes flottantes) l'égérie du réalisateur avec qui elle tournera pas moins de vingt films, comme de Aiko Mimasu et Kenji Sugawara, Yasuko Kawakami et Eitarô Shindô, ou encore Bontarô Miake (Carmen revient au pays) et Haruo Tanaka, Sadako Sawamura et Tatsuko Taya, Daisuke Katô (Les sept samouraïs), Hisao Toake (Voyage à Tokyo) et tant d’autres.