Suite de belles découvertes dans la 13ème édition de l’opération « un dvd pour une critique » par Cinetrafic, avec ce documentaire, Dans un jardin je suis entré, d’Avi Mograbi.
Au départ, Avi et Ali devaient se lancer dans l’écriture d’un film Retour à Beyrouth. Au fil de leurs conversations et confrontations de souvenirs réciproques, de leurs origines familiales et leurs parcours ont progressivement déviés de la fiction au documentaire sur leur amitié et l’histoire du pays. Deux hommes de deux peuples et deux cultures dans un conflit brûlant d’actualité meurtrière, encore ces dernières semaines.
Au fil des recherches, d’archives papiers et photos, Avi découvre avec désolation que son père a sans doute été actif lors de la Nakba, quand Ali en a été l’une des nombreuses victimes. De la fiction nous passons à la réalité, et c’est un retour au village d’Ali dont il fut chassé enfant en 1948. Ils s’y rendent entre excitation et angoisse avec Yasmine, la fille d’Ali, qui du haut de ses dix ans se trouvent coincée entre les deux entités. Bien qu’arabe musulmane, elle est aussi citoyenne israélienne, et va faire face à un choc émotionnel douloureux, en visitant l’ancien village de ses ancêtres. Sur l’air de jeu pour enfants, elle sera confrontée à un panneau d’Apartheid rappelant des heures sombres allemandes.
Avi témoigne avec sobriété, mais aussi gêne et honte qu’il peine à dissimuler, et montre sans fard les réactions de ses amis, leurs colères contenues, les humiliations ravalées et les espoirs d'un monde meilleur, comme avec la révolution arabe, alors en pleine actualité en Egypte.
Si cette suite ininterrompue d’entretien, pleine de passion et de découvertes est saisissante d’émotion souvent très forte, je regrette un manque d’explications sur le contexte historique et sur les nombreux sigles tels Nakba, -politique de terreur de massacres de populations civiles par dizaine de milliers pour obliger les centaines de milliers d’autres à fuir, d’où les millions de réfugiés d’aujourd’hui-, Tanzim -une des factions armées du Fatah (organisation politique et militaire palestinienne fondée par Yasser Arafat)-, Irgoun -organisation armée sioniste (mouvement nationaliste israélite)- et j’en passe, rendant quelque peu hermétique le contenu pour les non initiés comme moi.
Si je ne doute pas de la sincérité de l’amitié qui unie Ali et Avi, il transparait pour autant dans les comportements, les regards et les conversations, une sorte de retenue et de fossé comme, sinon de la méfiance, une attitude dominé / dominant qui mettent mal à l’aise. Une inquiétude permanente imprime une ambiance de plombs où la petiote, pleine de vie et de joie, apporte une légèreté qui s’effondre violemment avec son désarroi terriblement émouvant face aux inscriptions, et sa place dans cette société.
Beau documentaire donc, avec des émotions fortes, entrecoupé d’une fiction super 8 et des textes sur le thème de l’amour impossible, symbolique d’Israël et Palestine. Le titre est tiré de la belle chanson que l’on entend tout du long, et dont les paroles résonnent en écho déchirant.
Les intervenants, Avi Mograbi et Ali Al-Azhari, la jeune Yasmine Al-Azhari-Kadmon extrêmement émouvante, et Philippe Bellaïche, apportent tous un précieux témoignage de vécut et ressentis difficiles. Sans oublier la voix d’Aysha Taybe pour la partie fiction.
Le documentaire dans les nouveaux films, Dans un jardin je suis entré d’Avi Mograbi, distribué par Epicentre films, est disponible depuis le 3 juin 2014. Il est proposé en version originale sous-titré français. Un entretien avec le réalisateur est proposé dans le bonus, notamment lors d’une avant première, apportant des compléments d’informations intéressants. D'autres films faits en France sont disponibles.
Un très grand merci à Cinetrafic et son grand choix de films ainsi que et ses partenaires pour toutes belles ces découvertes et émotions.