Très beau film de Julie Lopes Curval (Mères et filles) dont j’aime beaucoup le regard qu’elle porte et le ton qu’elle donne, comme dans son quatrième long métrage, avec dans ce récit un style un brin Eric Rohmer à la poésie tendrement langoureuse où transperce toujours des messages avec subtilité et espérance.
Alice, fille d’ouvrière, est une jeune femme de vingt ans passionnée de textile, couture, teinture et création de vêtements, sans trop savoir quoi faire de ses talents. La rencontre avec Agnès, une bourgeoise érudite va l’orienter vers l’École supérieure des arts appliqués Duperré à Paris. En même temps, elle fait la connaissance de son fils Antoine, artiste en herbe également en photographie, et tout deux tombent éperdument amoureux, malgré ou grâce aux différences culturelles et sociales et contre-réactions à leurs milieux. Tout en s’enrichissant intellectuellement l’un l’autre, l’amour pourra t-il perdurer ?
Sur le thème de différences sociales, comme le récent Pas son genre, l’histoire d’amour innove par rapport à ce que l’on nous montre souvent de destructeur. Avec intelligence et finesse, la réalisation nous transporte dans un positivisme où au contraire de descente aux enfers dans les malheurs de l’amour, au lieu de détruire à La dentelière, ici ça ne rend que plus fort, plus grand. La narration est élégamment énoncée, avec douceur, sans grands éclats, les éléments se mettent en place avec évidence et limpidité ni heurt. C’est beau, c’est naturel et injuste aussi, mais l’érosion coule de source inexorablement, avec une sorte de logique fatalité. La scène finale est terrible de triste douceur qui émeut.
La réalisation, avec cette belle mise en scène, est ce qui marque dans les sorties du moment, et hante le plus par l’interprétation des protagonistes qui jamais ne restent figés dans des clichés manichéens habituels. Au contraire, changeant aux fils des événements de la vie et des morales culturelles, varient selon les moments sans oublier d’où ils viennent et grandissent les perceptions de chacun. Les cadrages et travellings apportent un regard sur les gens et les lieux avec un sens aigu de l’observation. J’ai été touché par cette histoire, par la narration et les protagonistes, les lieux choisis et les thèmes abordés au travers d’exemples de choix. Une belle manière de raconter qui hante longtemps.
Ana Girardot (Amitiés sincères) dégage en plus de sa beauté, une tendre et douce fragilité d’où émerge une grande force de persuasion, face à Bastien Bouillon (La guerre est déclarée) qui n’est pas en reste, mais un peu effacé par sa partenaire. Baptiste Lecaplain (Nous York) et Aurélia Petit (Week-ends), comme l’exellent Sergi López (Michael Kohlhaas) remarquable, les jolies India Hair (Jacky au royaume des filles) et Stéphane Bissot (La religieuse), Jean-Noël Brouté (Vous n’avez encore rien vu) et Michele Gleizer (Renoir) ou David Houri (Les saveurs du palais), dégagent une ambiance générale de réalisme.