A l’heure où l’actualité politique française est pour le moins agité du bocal entre une gauche sociale « libérale » que l’on arrive plus à bien discerner ce que c’est, une droite qui lui ressemble autant, et laissent le champ libre aux heures sombres, Nicolas Castro nous rappelle sur vingt années, du 10 mai 1981 au 21 avril 2002, les désillusions d’une génération, à la veille d’un premier choc, avant pire ?
Le grand soir est enfin arrivé pour les militants socialistes de Saint-Etienne, et l’immense joie pour les frangins Olivier et Léon, d’autant plus pour ce dernier qui tombe éperdument amoureux de Noémie avec qui, dans la liesse de la victoire, il passe la nuit, puis les trois jours avant qu’elle ne monte à Paris faire l’ENA. De même pour son frère Olivier, le trotskiste convaincu qui tente sa chance dans la Capitale. Léon reste avec son pote Julien et le sentiment d’avoir laissé passer l’amour de sa vie. Du jeune journaliste de région, il va sept ans plus tard retrouver tout ce petit monde à Paris dans une ambiance qui ne ressemble plus du tout aux idéaux de gauche socialiste.
Je me suis beaucoup amusé à suivre cette reconstitution de ces années qui me semble à des années lumières tant tout à tellement changé. Que s’est il donc passé ? Passe la technologie, qui se souvient encore des minitels ou magnétoscopes vhs, ou des émissions débiles déjà, et de nos politiciens qui avaient déjà de nombreuses casseroles au cul ?
Je me suis d’autant plus retrouvé totalement dans les désillusions de nos protagonistes, que moi aussi, je fais parti de la génération Mitterrand. J’avais 20 ans le 10 mai 1981, je votais pour la première, et quelle surprise, joie et bonheur en découvrant les images et le score. Fête à la Bastille oblige, et espérance en des lendemains meilleurs…. très vite, les désillusions ont commencées avec une politique de rigueur, de fermetures d’entreprises, de crise économique accentuée, les bobos gauche caviar, les arrivistes effrénés, les enrichissements honteux, de tous ces copinages indécents, d’affairistes affichés, et d’affaires sales, de « suicides » en écoutes téléphoniques, de découvertes de passés pétainistes ahurissants, et j’en passe, qui m’ont fait perdre mes repères, croyances et rêves, jusqu’à ce 2002 et le choc du premier tour. Et le pire est encore à venir…
Le film est sympa pour sa partie reconstitution d’une époque, pour les mises en situation fiction/réalité, pour cette historiette amoureuse, mais des inutilités plombent et gâchent souvent le rythme et l’histoire. Ainsi, je ne perçois pas l’intérêt d’aborder la religion avec ce rabbin, qui n’apporte rien, ni au débat politique, ni moins encore spirituel qu’au récit. Cette manie à l’américaine d’y mettre du religieux à toutes les sauces est pénible. Je trouve toujours aussi glauque les coucheries incestueuses, comme ici avec les deux frères. Pour le reste, ça reste une bonne comédie avec de l’humour et de l’émotion, et un angle de réflexion et de constat intéressant.
Pio Marmai (La ritournelle) est au mieux de ce qu’on lui a vu, sans être transcendant mais vraiment sympa. Au risque de me répéter, la très belle Laetitia Casta (Sous les jupes des filles) est excellentissime, de même que Ramzy Bedia (Les seigneurs), certainement dans son meilleur rôle de sa carrière, étant aussi drôle que touchant, avec sobriété. Gaspard Proust (L'amour dure trois ans) est tout aussi parfait que ses petits camarades. Et puis André Dussollier (Diplomatie) et Louis-Do de Lencquesaing (20 ans d'écart), comme Anne Brochet (Arrête ou je continue) et Sam Karmann (Les gazelles), ou encore Farida Rahouadj (Le bruit des glaçons) et Aline Stinus, Noémie Merlant (La crème de la crème) et Julie Chevallier (A dangerous method), Alix Bénézech et Daphne Hesnard, apportent leurs émotions avec conviction.