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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 09:29

Ayant cédé à toutes résistances pour l’achat du coffret 15 dvd de Yasujirô Ozu (Nuages d'été) j’ai découvert cette petite merveille. Il avait préparé le script et la réalisation quelques années avant la guerre, et dut revoir sa copie en cette année de 1942 sous la pression. En effet, la dictature militaire et l’attaque de Pearl Harbour imposait un style plus militariste. Il résista comme il pu, mais il s’en ressent dans le comportement du père qui dérape par moment par des propos peu appropriés à la trame. Nul ne saura jamais quel était le texte d‘origine qui s’inspirait de son propre vécu, ayant été lui aussi éloigné de son père dans des circonstances similaires au film.

1expxd Yasujiro Ozu   Chichi ariki AKA There Was a Father (1942)Shuhei Horikawa est un respectable professeur, jeune veuf ayant son fils à charge, qui se sent responsable de la mort d'un de ses étudiants lors d’une sortie de classe. Il choisit de démissionner et de quitter sa ville pour se ressourcer dans son village natal. Il inscrit son fils Ryohei à l’internat d’une bonne école bien loin, et ne le reverra que rarement, pour des parties de pêche ou de bains. Bien des années plus tard, Ryohei est à son tour devenu un enseignant. Il a la joie de retrouver son père qui lui manque tant à de trop rares occasions, et émet un jour le vœu de démissionner afin de vivre avec lui.

Encore une très belle et triste histoire d’Ozu, qui en peu de mot, par les gestes et les regards, nous transmet une puissante émotion d’amour et de solitude, de regrets et d’espoirs, mais aussi de satisfactions et plaisirs des rares moments de partage entre un père et son fils, que de retenues et pudeur et une morale sociétale empêchent d’aller jusqu’au bout d’un rêve d’enfant frustré et en manque de tendresse paternel. C’est un crève cœur que de voir cet enfant, puis jeune homme qui ne demande rien d’autre que d’être auprès de son père, de partager avec lui tant de choses sans jamais oser dire le fond de sa pensée ni déverser son âme et son cœur qui est tant partager par son père, mais que des pudeurs et des codes de société en pleine guerre retiennent et interdisent de dévoiler et d’assouvir. Il y a longtemps comme une froideur et une dureté du père qui fait mal, jusqu’à cette dernière semaine passée ensemble qui rayonne dans e regard et le sourire de Ryohei dans la dernière image.

J’ai une fois de plus adoré ce récit bouleversant qui m’a beaucoup émut. J’ai la chance d’avoir des parents aimants, et un père que j’adore, qu’il m’auraitr été comme notre jeune protagoniste, un terrible manque dans ma vie. Nous pouvons aisément imaginer le ressenti d’Ozu loin de son père, et ce qu’aurait été son film initial sans l’intervention militaire qui attendait de son film plus de velléité patriotique en propagande guerrière que le réalisateur ne voulait pas. Il s’y pli tout de même par quelques accents du père qui parle de sacrifice à la patrie, mais sans jamais parler d’effort de guerre. Là encore, nous retrouvons toutes les subtilités de la réalisation ozuniènne par ses cadrages au ras du tatami, par ces détails touchants et minutieux et le regard de la caméra par ses positions qui en disent long dans les échanges et les ascendants d’une conversation toujours feutrée. Les analyses données dans les bonus détails mieux encore ce que l’on voit et ressent avec tant d’acuité que le langage d’Ozu nous laisse voir et deviner pour mieux nous imprégner de son univers e de son âme.

2ai4g2q Yasujiro Ozu   Chichi ariki AKA There Was a Father (1942)Chishû Ryû (Barberousse) l’un des plus grands du cinéma japonais, est ici incroyablement puissant, tout comme Shûji Sano (Carmen revient au pays) qui dégage tellement d’humanité qu’il en est attendrissant. Shin Saburi (Fleurs d'équinoxe) comme Takeshi Sakamoto (Histoire d'herbes flottantes) sont excellents, quand la jolie Mitsuko Mito (Les contes de la lune vague après la pluie) est d’une grande délicatesse d’émotion. Masayoshi Otsuka et Shin'ichi Himori (Le fils unique), mais encore le jeune Haruhiko Tsuda qui est absolument parfait, contribuent à l’ambiance délicate.

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