Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 07:43

Encore un terrible et puissant western, réalisé en 1943 par William A. Wellman (Convoi de femmes), pilote de chasse durant la première guerre mondiale, qui s’est inspiré du roman de Walter Van Tilburg Clark, qui marque et hante longtemps tellement il est traumatisant par la force qui se dégage dans le sujet sur l'injustice qui révolte au plus haut point, et par sa magnifique réalisation à faire école.

A la suite de l’annonce du meurtre d’un vacher et du vol d’une partie de son troupeau, la rumeur enfle vite dans un petit village, et rapidement se constitue une milice afin de poursuivre les assassins, et ce en l’absence du shérif et contre l’opposition du juge et d’une partie des cowboys. Dans la nuit, ils retrouvent le troupeau, et trois hommes tranquillement assoupis. Vite maitrisés, sans résistance aucune, surpris d’une telle attaque et d'une pareille accusation. Un tribunal populaire les condamne à mort par pendaison, votée par la vindicte des miliciens sous l'impulsion d'un fanatique, et ce malgré les protestations d’innocence, qui pourtant ont de quoi troublées par leurs sincérités et la logique des faits en leur faveur. Il est leur laissé jusqu’à l’aube afin de régler leurs dernières volontés, et l’arrivée éventuelle du shérif tant espèrée par les rares opposants. Une longue et pesante nuit s'installe dans une ambiance épouvantable.

Horrible et dérangeante histoire qui condamne la justice expéditive et l'hystérie collective engendrée par la rumeur publique, sans se préoccuper de la présomption d'innocence et du manque de preuve. Et ce dans la plus totale illégalité, mais aussi de la bestialité et du manque d’humanité de cette sordide fange de la population. Mais plus encore, comment aller à l’encontre du vote d’une majorité au risque de mettre sa propre vie en danger face à la foule sanguinaire irraisonnée et incontrôlable avide de sensation. Car il ne s’agit plus là de démocratie, dès lors que des vies sont menacées, innocentes dans ce cas, quand bien même elles furent coupables. La justice ne peut permettre ces exactions. On retrouve hélas ces horreurs sous les cieux, contre ces femmes après guerre accusées, tondues, exhibées en public et souvent assassinées, ou celles et ceux lapidées... C'est aussi une critique de la justice américaine pourtant si friande de légalité qui a laissé dans la mémoire collective bien des affaires sordides célèbres dans la précipitation et sur la pression populaire ou politique. L’injustice totale la plus criante d’horreur qui prend dans cette réalisation une tournure épouvantable tellement l’on se refuse à l’inéluctable barbarie et m’on se prend à espérer sans y croire à un miracle. J’ai été saisie d’angoisse et de colère, d’horreur et de peine, comme rarement film aura eu autant d’impact dans ce décors pourtant tranquille, d’où l’arbre géant en haut de la colline pourtant calme et rassurant prend une inquiétante menace au fur et à mesure que l’aube se lève.

Il faut dire que la réalisation est impeccable de lucidité sans fard, taillant des portraits terribles de quidams capables du pire avec une froide détermination. Les images sont magnifiques au noir et blanc d’une lisse couleur plus grise brumeuse d’irréalité que l’on voudrait d’un mauvais rêve en lieu et place d’un cauchemar contrasté. Nommé aux Oscars de 1943 pour l'oscar du meilleur film, il a été sélectionné en 1998 pour la conservation dans les Etats-Unis dans le National Film Registry du Congrès comme étant « culturellement, historiquement ou esthétiquement importants ». Un remake fut réalisé en 1955 pour la télévision par Gerd Oswald, dans l'épisode 3 de la saison 1 de la série The 20th Century-Fox hour, avec Joseph Cotten.

Le casting est fabuleux, avec Henry Fonda (Une vierge sur canapé) génialissime une fois de plus, torturé par sa conscience face à la folie collective. William Eythe (La maison de la 92ème rue) est superbement marquant, de même le terrible Harry Morgan (La petite maison de thé) et Matt Briggs, impressionnant, quand Dana Andrews (L’étang tragique) est dignement émouvant. Frank Conroy et l’excellent Anthony Quinn (La strada), comme Jane Darwell excellemment odieuse, ou Harry Davenport, Marc Lawrence et Mary Beth Hughes, impressionnent durablement.

Partager cet article
Repost0

commentaires