Dan Gilroy passe pour la première fois derrière la caméra avec la vivacité de son personnage, dans un récit sombre et pour le moins glauque et effrayant, d’une profession à peu près inconnu chez nous de pigistes macabres sans doute pire que les paparazzi et c’est peu dire, sorte de nécrophages cherchant pitance dans les poubelles en toute illégalité pour un public et des diffuseurs de l’extrême souvent bien crades.
A la recherche d’un emploi, avec l’ambition démesurée de réussir à tout prix, Lou découvre des sortes de reporters sans scrupule, qui tel des piranhas foncent sur le moindre événement sordide, le plus souvent la nuit, pour filmer des accidentés, de meurtres ou tout ce qui peut heurter la sensibilité de spectateurs avides de sensations fortes au plus près de l’actualité. Lou s’équipe rapidement d’un scanner radio et se branche sur les fréquences de la police, et sillonne Los Angeles by night avec frénésie d’images choc afin de les vendre à prix d’or aux chaînes de TV locales. Une passion qui le rend odieusement malsain vers un journalisme de l’extrême qui transgresse toutes les lois de la compassion et de la décence, pour un voyeurisme terriblement malsain.
Sur un rythme infernal, nous suivons caméra au poing les virées nocturnes d’une profession abjecte, où la course à l’horreur pour rapporter des images les plus trashs, vendues des fortunes à des chaines qui n’ont plus rien d’information ni d’humain, font froid dans le dos. Il n’y a plus de limite à ces charognards, qui me rappellent tout ceux qui attendaient confortablement la mort de la petite colombienne de 13 ans, Omayra Sánchez le 16 novembre 1985 après trois jours d’agonie, sans le moindre secours que de la filmer, jusqu’à cette odieuse photo de la
morte. Le film est sans concession, avec un personnage limite fou, dévoré par l’ambition mais aussi dopé d’adrénaline qu’apportent de tels pulsions par caméra interposée tel un psychopathe. Mal à l’aise, incrédule, j’ai eu du mal à sortir indemne d’une telle narration, en espérant naïvement que ce soit de la science-fiction. J’espère pour de bon que les communications policières ne s’écoutent pas aussi facilement. La mise en scène est brillante d’efficacité, montrant les coulisses inconnus et bien sale.
Jake Gyllenhaal (Enemy) est férocement excellent, face à Rene Russo (Thor : le monde des ténèbres) femme du réalisateur, qui interprète avec talent un personnage tout aussi démonique. Riz Ahmed (Centurion) est excellent également, ainsi que Bill Paxton (Edge of tomorrow) et Ann Cusack (Admis à tous prix), ou encore Kevin Rahm, Pat Harvey et Sharon Tay (Fast and furious 5) pour une ambiance réussie.