Un grand merci à Jour2Fête et à Arcadès pour m’avoir fait découvrir ce très beau film dramatique réalisé en 2016 par Stephan Streker, inspiré de la véritable l’affaire Sadia Sheikh.

Jeune fille de dix-huit ans, belge d’origine pakistanaise, Zahira Kazim est écartelée entre deux cultures. Musulmane très proche de sa famille dont son grand frère Amir, Zahira ne veut pas du mariage traditionnel arrangé avec un pakistanais que lui impose de force ses parents. Préférant la vie occidentale et éprise de liberté, elle tente en vain d’infléchir sa famille, surtout quand elle est amoureuse de Pierre, non pakistanais et non musulman.

Terrible et puissante narration, inspirée de la triste affaire de Sadia Sheikh, j’ai été totalement bouleversée par ce récit sur cette jeune fille est si attachée à sa famille, dont le frère est aussi proche et semble la comprendre. La pesante mentalité archaïque incompréhensible de la notion de propriété des femmes aux hommes, et leur manque total de droit, est cultivé et entretenue d’ailleurs par les mères bourreaux et kapos, rend terriblement oppressant cette ambiance. Ainsi, le récit est d’autant plus cruel que la vision du film ne prend jamais parti, ni accuse, mais laisse les événements se suivre avec une terrifiante fatalité.

De fait, la réalisation est superbe de part la mise en scène et le jeu impeccable des interprètes, dans cette ambiance brut de décoffrage qui nous laisse exsangue de tant de crudité d’état de fait. Les discours effroyables, des uns et des autres de la famille et surtout celui de la sœur, exposent sans détour l’inimaginable cruauté et vérité épouvantable d’une religion qui instaure cette situation. Le choix des cadrages et travelings qui nous plongent au cœur de l’intimité d’une famille et d’une mentalité fait froid dans le dos et dans l’âme, ainsi que les couleurs et lumières sont aussi choisies en totale opposition de leurs beautés à la triste réalité.

Un film tout en subtilité et sensibilité qui marque longtemps. De fait, l’affaire Sadia Sheikh, assassinée en 2007 à 20 ans par son frère Mudusar, qui, après un mariage forcé à 18 ans via internet avec son cousin Abbas, s’était enfuit avant son départ pour le Pakistan. Réfugiée à Bruxelles, elle avait rencontré Jean, un jeune belge et non musulman, dont elle tomba amoureuse et devait se marier. Après traque et harcèlement, sa

famille réussit à la faire revenir chez elle. A peine entrée, elle fut abattue par son frère qui blessa également la jeune sœur Sariya qui retenait Sadia pour l’empêcher de s’enfuir. Ils ont tous été reconnus coupables de meurtre de crime d’honneur. De très nombreux cas ont hélas lieu chaque année en Europe, en France, en Allemagne (L'étrangère), en Italie, mais surtout dans le monde musulman où ce sont des milliers de victimes qui sont assassinées.

Avec Lina el Arabi excellente et terriblement marquante, face à Alice de Lencquesaing (Corporate) et Sébastien Houbani (Nous trois ou rien), Babak Karimi (Le client), Nina Kulkarni (Indian palace) et Olivier Gourmet (Sage femme), Zacharie Chasseriaud (Au plus près du soleil), Aurora Marion et Rania Mellouli (Une histoire de fou), ainsi que Harmandeep Palminder, Sandor Funtek (Dheepan) et Bilel Ghommidh, Qari Ikram Nabi Kailany, Hervé Sogne (Le voyage de Fanny) et Édith Le Merdy (Journal d’une femme de chambre).
Le film Noces de Stephan Streker, distribué par Arcadès, est disponible en DVD et Bluray dans les meilleurs bacs depuis le 16 août 2017. Dans les suppléments, un passionnant entretien avec le réalisateur Stephan Streker par François Forestier.
