Pour son premier film, Nadir Moknèche (Goodbye Morocco) frappait déjà très fort avec cette très belle comédie dramatique. Rien à voir par le titre avec des prostituées d’un bordel oriental, ou d’une prison pour femmes de sultans, mais des locataires d’un immeuble, celui de madame Ousmane. Ancienne maquisarde de la guerre d'indépendance au caractère bien trempé, dont le mari l’a abandonné avec ses enfants et s’est barré en France et remarié avec une française, elle tente de faire face aux désillusions. De quoi rendre la rendre amer, et sur l’air de femmes au bord de la crise de nerfs, NM abordait déjà divers sujets de société, tels les conditions de la femme, du mariage et de la polygamie. L’histoire commence en 1993, au début de la guerre civile, qui fut horriblement meurtrière. Madame Ousmane craint de se retrouver seule, lorsqu’elle apprend que sa fille est amoureuse et souhaite se marier. A l’occasion d’un mariage, les langues vont se délier et permettre d’apprendre que le fiancé est déjà marié… Comédie humoristique de prime abord, où le choc des cultures entre libéralisme et obscurantisme, nous montre une société machiste ou les femmes sont toujours les laissées pour compte. Lentement mais sûrement, la trame sombre dans le drame tragique entre salafistes et militaires, et archaïsme et modernité L’histoire est magistralement racontée, avec force symbolique, comme ce mariage dans une église chrétienne désaffectée en salle de fêtes face à une koubba. La séparation hommes / femmes illustre encore plus crument les mépris. L’occasion aussi de révéler des hypocrisies, des injustices et des violences faites aux femmes. Et plus que tout, l’excellence des interprètes qui donne un ton de comédia del arte de toute beauté qui marque longtemps.
Ainsi Carmen Maura (Paulette) est d’une excellence à couper le souffle. La belle Nadia Kaci est bourrée de talent, quant Myriam Amarouchene dégage une grande force d’émotion, et que la belle Linda Slimani, est extraordinairement marquante. L’incontournable et l’excellentissime Biyouna (Mohamed Dubois) faisait encore force étalage de son talent et sa hardiesse. Samia Akarriou, tout aussi belle que persuasive affirme une présence forte. Thamila Mesbah-Detraz et Atmen Kélif (Beur sur la ville) sont excellent. La petiote, Justine Mallier-Giraud est adorable. Complètent ensuite, une myriade de talents Smaïl Mekki (Les hommes libres), Djemel Barek (360), Latifa Ahrar (Indigènes), Karim Salah, Khadija Ait Hamou, Afida Tahri, Omar Bekhaled, Fatiha Berber et la chanteuse Latifa Benakouche, qui tous, contribuent à la réussite de cette histoire et dont on peut regretter pour certains de ne les voir plus souvent.