Magnifique film et terriblement marquant ! c’est très librement inspiré de la tragédie Le Roi Lear de William Shakespeare, dont Akira Kurosawa (La forteresse cachée, Rhapsodies en août) en a fait une histoire très sombre et pessimiste à la fin de sa vie. Un vieux chef de clan, tyrannique et sanguinaire, souhaite léguer son immense territoire acquis par la violence et nombreux massacres, à ses trois fils. A l’ainé
il l’offre la suprématie de la gouvernance et aux deux autres en vassaux les deux autres châteaux, et pour lui, l’agréable retraite allant vivre chez chacun de ses fils aimés… Sauf que l’avidité, les rivalités et la vengeance va bientôt devenir un cauchemar de douleurs et de morts. Comme toujours avec AK, la mise en scène est extraordinaire, les couleurs magnifiques et les scènes de batailles impressionnantes, aux chevauchées superbes et les drapeaux qui claques au vent.
De fait, je n’ai pas vu passer la durée du film tant j’ai été passionnément pris par l’ambiance générale et les terribles destinés des protagonistes. Mon cœur a été étreint dès le début par l’atmosphère lourde et menaçante, et ne m’a jamais quitté tant l’histoire et tristement sombre et désespérée. Contraste d’autant plus flagrant avec la clarté lumineuse des couleurs joyeuses qui éblouissent et éclatent de bonheur dans l’horreur des actes et des sentiments aux noirs desseins. Jamais on ne trouve d’échappatoire pour se rassurer et espérer, mais dans la beauté et la pureté d’un ciel bleu. La passion suicidaire qui anime tous les personnages est ressentie dans les moindres faits et geste, dans chaque parole ou le son déchirant de la flute du frère aveugle. Et pourtant, on sait que la mort fauche à tour de bras sans jamais se lasser, sans aucune pitié ni faiblesse ou retenu malgré nos espérance de répit et d’échappatoire. La musique accentue encore plus l’oppression générale. J’ai été impressionné par un tel chef d’œuvre qui hante longtemps.
Les interprètes sont juste ce qu’il y a de plus extraordinaire tellement ils vivent passionnément leur personnage. Tatsuya Nakadai (Hara-Kiri : mort d'un samourai) est une véritable légende faite homme, tant sa composition est magnifique. Face à lui, les trois fils, Akira Terao, Jinpachi Nezu et Daisuke Ryu sont excellents de puissante conviction et impressionnent fortement. Il en est de même de Masayuki Yui, qui est marquant. La belle Mieko Harada est sublime de force et de violence et de haine, quant la toute aussi superbe Yoshiko Miyeazaki est d’une telle puissance de douceur et d’abnégation. Pîtâ, Hisashi Igawa et Mansai Nomura n’en sont pas moins aussi éloquents.